Les discours de François Fillon ressemblent étrangement, ces temps-ci, à ceux de son maître...

Publié le par Jean Véronis

fillon-sarkozy.jpgLu sur Technologie du langage   , par Jean Véronis


Vous avez peut-être remarqué que les discours de François Fillon ressemblent étrangement, ces temps-ci, à ceux de son maître. On dirait un clone linguistique, reprenant les mêmes mots et répétant les mêmes formules que celles de l'hyperprésident...

Ainsi, il pratique désormais l'anaphore massive. En voici un exemple, dans son discours du 4 à Lyon :

Cette victoire de Nicolas Sarkozy elle est aussi la vôtre.

Vous vous êtes reconnus dans les valeurs qu’il a portées parce que la ville des canuts et des soyeux est une ville où l’on chérit le travail, l’effort et le mérite.

Parce que la ville de Jacquard, de Thimonnier et des Frères Lumière est une ville où on aime entreprendre, créer et forger l’avenir.
Parce que la ville d’Ampère et de Mérieux est une ville où on a toujours engagé la bataille de l’intelligence pour conserver une longueur d’avance.
Parce que la ville de l’abbé Pierre est une ville où l’on s’élève contre ce qui porte atteinte à la dignité humaine.
Parce que la ville où est mort Jean Moulin est une ville où on connaît le prix de la liberté.
Parce que la ville de Saint-Exupéry, est une ville où l’on sait se donner les moyens de voler vers ses rêves.

etc.
Et tout le discours est sur le même moule (voir ici).

Vous souvenez que la semaine dernière je m'étais amusé à trouver un indice mathématique simple permettant de mesurer la proportion d'anaphores dans les discours (voir parties 1, 2, 3). Je l'ai appliqué aux discours de François Fillon depuis le printemps 2004. Voici le résultat (les deux parties du diagramme ont des échelles horizontales différentes : j'ai agrandi les dernières semaines pour les rendre lisibles) :


On voit que dans tout la période qui précède l'élection présidentielle, François Fillon était très raisonnable côté anaphore. L'indice est tout à fait comparable à celui qu'on observe dans les anciens discours de Sarkozy (voir ici) ou dans ceux d'autres personnages politiques (voir ici). Et soudain, au lendemain de son élection, il s'anaphorise — si je puis me permettre ce néologisme.

Aucun doute : le conseiller spécial Henri Guaino est passé par là, laissant d'ailleurs de nombreux autres indices caractéristiques de sa plume (références historiques, etc.).

Alors ? La pensée unique tant critiquée ferait-elle place à la parole unique ? En tout cas, en imposant ainsi son style au plus haut de l'État, Guaino a fait très phore !

Publié dans Divers

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article