Elections : Revue de presse à l'étranger...

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Jour de vote à Sarkoland
Lara Marlowe - The Irish Times

A Neuilly, dont il a été le maire pendant 19 ans, Nicolas Sarkozy est sûr de faire le plein des voix.
C'est ce qu'a constaté ce dimanche la correspondante du quotidien Irish Times.


A Neuilly-sur-Seine, dimanche, il s'est sans doute trouvé des gens pour voter contre Nicolas Sarkozy. Mais en trois heures passées au bureau de vote de l'île de la Jatte, je n'en ai pas croisé un seul. Quand le candidat de la droite est enfin venu déposer son bulletin dans l'urne, à bord d'une limousine noire aux vitres fumées, ses partisans l'ont applaudi en criant : "Bravo, bravo".
"Qui dit que Nicolas Sarkozy n'est pas le bienvenu en banlieue ? Ici, ce n'est pas la banlieue ?", plaisante François de la Brosse, le communiquant qui a fondé NSTV, une télévision sur Internet qui rendrait n'importe quel dictateur vert de jalousie.

Sarkozy est persona non grata dans les banlieues* peuplées d'immigrés depuis qu'il a traité les délinquants de "racaille". Neuilly, avec une population de 60 000 personnes, est une banlieue de Paris. Mais c'est aussi la municipalité la plus riche de France par habitant.

A Sarkoland, on n'incendie pas les voitures la nuit. Les seuls noirs et Arabes que l'on rencontre sont des diplomates ou des héritiers du pétrole. Les trottoirs bordés d'arbres retentissent du pépiement des oiseaux et sont hantés par des joggers, pas des cogneurs. Pour paraphraser Baudelaire, ici, tout n'est que "luxe, calme et volupté*".

Sarkozy aimerait bien que la France entière ressemble à son fief. Il en a été maire pendant dix-neuf ans, puis il a présidé le conseil départemental des Hauts-de-Seine. A ce titre, il s'est assuré de la loyauté de ses sujets. Lors des dernières municipales, en 2001, il l'a emporté au premier tour avec 76,88 % des voix.

Quelqu'un à Neuilly n'a-t-il pas voté pour Sarkozy ? Je pose la question à François de la Brosse. "Je ne sais pas, répond-il. J'ai vu passer quelques chiens". Les petits caniches blancs et les terriers nains étaient de rigueur au bureau de vote, tout comme les jeans de marque, les sacs à main Louis Vuitton, les cheveux blonds peroxydés et le bronzage.

Nicolas a pour habitude d'épargner à Neuilly tout désagrément. Par exemple, il a fait construire un tunnel routier sous l'appartement de sa mère, avenue Charles de Gaulle, pour éliminer les nuisances sonores et les gaz d'échappement. Et bien qu'une loi française exige de toutes les villes qu'elles réservent 20 % de leurs logements aux défavorisés, ce taux est de 2 %à Neuilly.

"Il a veillé à ce que Neuilly garde sa personnalité", déclare un habitant qui déambule le long du quai où Seurat a peint ses chefs d'œuvre pointillistes. "Ici, il y a une identité très forte, comme une tribu. Il a préservé ça. Nous n'avons pas de problèmes de sécurité, de propreté, d'appartenance culturelle. 25 % de la population sont juifs. Il y a des Arabes et des Iraniens. Il y a beaucoup de concierges portugaises. Il y a de la diversité, mais elle est bien gérée".

A Sarkoland, on n'approuve pas totalement la façon qu'a eu le candidat de droite de faire une cour assidue aux électeurs de Le Pen. Les habitants de la paisible Neuilly ne veulent pas être pris pour des extrémistes. Mais il est difficile de résister aux promesses d'allégements d'impôts, de suppression des droits de succession et de la semaine des 35 heures. Et, oui, beaucoup espèrent que Sarkozy accomplira enfin ce que promet Le Pen depuis trente ans, et qu'avec lui, les immigrés ne vivront plus, comme ils disent, "aux frais de la princesse". Ces immigrés qui, eux, résident dans la vraie banlieue.

* En français dans le texte





Sarkozy rangera-t-il son Kärcher au placard ?

Anis Djaad - La Tribune

L'éditorialiste du quotidien algérien La Tribune s'inquiète du renforcement du communautarisme qu'il entrevoit si Nicolas Sarkozy l'emporte au second tour de l'élection présidentielle.

Et rebelote. Quand ce n'est pas un caricaturiste danois qui coiffe le prophète Mahomet d'un ruban explosif, c'est un député de même nationalité qui compare le foulard islamique à la croix gammée nazie. Issu d'un parti de l'extrême droite, allié au gouvernement libéral-conservateur, ce parlementaire jouit-il de plus d'impunité que le reste de ses pairs ? A priori, non. Le Premier ministre, Anders Fogh Rasmussen, s'est dit n'avoir aucune estime pour cet amalgame mais… le député est dans son bon droit lorsqu'il déclare : le foulard est un symbole totalitaire sur le même pied que les symboles totalitaires que nous connaissons du nazisme et du communisme. C'est ce qu'on appelle prendre ses distances sous le couvert de la liberté d'expression. Tout bien pesé, tout un chacun a le droit d'exprimer son point de vue. Les vexations et autres brimades font partie du jeu.

Le député Soeren Krarup tombera-t-il sous le coup de la nouvelle législation européenne pénalisant le racisme et le négationnisme ? La décision est surtout symbolique, les vingt-sept Etats membres resteront libres quant à son application limitée. Le compromis entériné est un équilibre délicat entre les pays qui refusent toute atteinte à la liberté d'expression, dont les pays nordiques, et ceux qui punissent déjà les discours du genre. C'est dire que le parlementaire danois ne risque rien pour avoir assimilé le voile islamique à la croix gammée. Pas comme ces "vampires racistes" qui ont recouvert de nuit 52 tombes de pareilles croix dans le cimetière militaire de Notre-Dame-de-Lorette, la plus grande nécropole militaire de France. Les inscriptions nazies ont été retrouvées sur les sépultures de soldats français de confession musulmane. Une centaine d'enquêteurs ont été mobilisés pour retrouver la trace des profanateurs qui, eux, risquent gros. Contre l'incitation à la haine raciale, tolérance zéro. Paroles de candidats à la présidentielle.

Et promesses non "kärchérisantes" de Nicolas Sarkozy qui a affirmé vouloir être le président de "toute la France", de toutes les banlieues et de toutes leurs mosquées… L'homme a changé – on ne sort pas indemne d'une campagne présidentielle – et se défend à présent de toute "lepénisation" ou convergence avec le Front national dont le leader a eu le courage de se rendre en Ile-de-France, une rose à la main. Qu'il ratisse large à droite de la droite ou non, "sacré Sarko" sait ce qu'il en coûtera si la communauté musulmane crie vengeance contre la profanation de 52 tombes. Heureusement que la sagesse de ses leaders, à Arras, a fait que la désolation se noie dans la prière. Les images de la banlieue en flammes défilent dans la tête de Nicolas Sarkozy, ministre de l'Intérieur. Elles ne disparaîtront pas de sitôt de celle du présidentiable. Du président, s'il est élu au second tour.

L'homme rangera-t-il définitivement son Kärcher au placard ? Continuer de confondre mauvaise intégration, violence et islam donnerait tous les droits à de jeunes romanciers prévisionnistes de délirer sur une future "guerre intercommunautaire" en France. Le choc des civilisations à l'échelle nationale est à éviter fondamentalement même si la tendance mondiale forcerait la main aux "néoconservateurs US à passeport français". La France, ou on l'aime ou on la quitte, ne cesse de répéter le président de l'UMP. Au locataire de l'Elysée, puisqu'il veut s'y installer s'il devient président de la République française, les 4 à 5 millions de musulmans sur le territoire français répondent en chœur : si la France nous aime, qu'elle ne nous parque plus dans des ghettos. Et qu'elle nous considère un peu mieux que le mouton noir dans la baignoire. Une belle et une vraie histoire d'égalité des chances avec le mouton blanc sous sa douche.





Vote massif des Franco-Libanais
pour préserver le rôle de la France au Moyen-Orient

Patricia Khoder - L'Orient-Le Jour

Au Liban, quatre centres ont été prévus à travers le pays pour permettre aux Français et aux Franco-Libanais de participer au scrutin présidentiel. Le quotidien francophone L'Orient Le-Jour nous emmène dans le bureau de vote ouvert à Beyrouth.

Les Français du Liban se sont mobilisés le dimanche 22 avril, comme ceux de métropole, et il fallait souvent s'armer de patience, notamment à Beyrouth, pour déposer son bulletin dans l'urne. Dans le périmètre de l'ambassade de France, des mesures exceptionnelles de sécurité ont été prises. Les casques bleus français de la FINUL déployés au Sud ont rempli leur devoir électoral au Centre culturel français de Saïda.

A l'intérieur de l'ambassade, à Beyrouth, les élections étaient bien organisées : c'est ce qui a probablement poussé les Franco-Libanais qui ont soif de civisme à venir voter en masse. L'affluence était tellement importante que, même après la fermeture des bureaux de vote, à 18 heures, des électeurs se trouvaient encore à l'intérieur de l'ambassade. Parmi les personnes qui patientaient sous un soleil printanier, presque estival, il y avait certes des expatriés mais surtout des Franco-Libanais, qui ont l'habitude de prendre part aux élections présidentielles mais qui ne se souviennent pas d'avoir jamais attendu aussi longtemps pour déposer leur bulletin dans l'urne.

Tous les binationaux disaient être là "pour exercer leur droit" et "parce que les positions prises par la présidence française influent sur la politique du Moyen-Orient". Certains d'entre eux lançaient en plaisantant : "Nous votons parce que peut-être l'année prochaine nous plierons bagage pour fuir en France"… D'autres évoquaient "cette France terre d'accueil, tendre mère du Liban". Charbel, venu avec ses trois enfants en bas âge, indique : "En France, je peux faire entendre ma voix ; au Liban, c'est impossible." Suzanne est du même avis : "Au moins, ici notre vote aboutira à un véritable résultat, il n'y aura pas de fraude."

Un homme qui veut garder l'anonymat indique : "Je suis venu voter pour Ségolène Royal car je sais que mon vote influera sur la politique française. Je ne veux pas que Nicolas Sarkozy remporte les élections car il veut annuler la double nationalité." Un autre, qui tient lui aussi à l'anonymat, renchérit : "Je veux choisir un candidat utile pour la France et le Liban, quelqu'un qui n'entretient pas de bonnes relations avec Israël, le seul ennemi du Liban." Michel et Rafqa vivent entre la Guinée, la France et le Liban et disent qu'ils sont "tout simplement venus exercer leur droit de vote, le devoir de tout citoyen".

Naji, lui, vote François Bayrou. Il est sûr que "le candidat centriste conduira bien la France, qui continue à jouer un rôle important dans la politique libanaise". De plus, dit-il, la fille de Bayrou est mariée à un Libanais. Jean-Lou indique, de son côté, que l'un des conseillers de François Bayrou est le journaliste Philippe Lapousterle, qui a séjourné à Beyrouth de 1976 à 1982, et est, lui aussi, marié à une Libanaise.

Nassib, qui est venu voter avec son épouse, Patricia, martèle qu'il "fait partie de cette communauté française et que la participation au vote est un devoir". Pour Miled, qui est rentré il y a juste un mois au Liban, "la France restera, comme durant les Croisades, il y a mille ans, le pilier et le garant du christianisme au Moyen-Orient en général et au Liban en particulier : il faut donc voter en conséquence". Chahé, venu voter avec son épouse, Lara, indique : "J'ai des convictions de droite et je voterai pour la droite française qui soutient la majorité au Liban." Son épouse met l'accent sur "la France, un pays qui m'a accueillie et adoptée, et il relève donc de mon devoir de voter".

Elie indique aussi qu'il est "un homme de droite au Liban et en France. Je suis un partisan de la majorité. Je vais voter pour Nicolas Sarkozy, qui soutiendra, comme son prédécesseur, la souveraineté et l'indépendance du Liban." Joseph est venu en famille. "Il faut le reconnaître, le Liban est un pays en développement, qui sera toujours influencé par l'étranger. Il ne faut pas oublier les relations séculaires qui ont toujours existé entre la France et le Liban. Elle a toujours été notre tendre mère", dit-il, sans oublier de rappeler "le soutien de l'actuel président Jacques Chirac au Liban". Joseph a probablement voté pour Nicolas Sarkozy, que certains Franco-Libanais ont déjà affublé du surnom de "Hajj Nkoula". [Au Liban tous les Nicolas (Nkoula) sont traditionnellement appelés Hajj (pèlerin) sans aucune connotation religieuse.]





Vu d'Argentine, la France n'est plus un exemple
Santiago O'Donnell - Pagina 12

Une alternance saine a certes été rétablie. Mais la France ne peut plus servir d'exemple aux pays du tiers-monde. Car rien n'y est aussi égalitaire ou idéal qu'on pourrait le croire. Le machisme, les questions liées à l'immigration et les dérives vers le patriotisme observés pendant la campagne ne sont pas dignes d'une démocratie avancée.

Aujourd'hui, une autre campagne commence. Une fois encore, elle va mettre aux prises la gauche et la droite, mais sous une forme nouvelle. Il y aura un second tour classique, droite-gauche, mais avec cet élément inédit : une femme comme première candidate de l'une des démocraties historiques d'Occident.

Ce que l'on a vu et entendu pendant la campagne doit servir aussi de contre-exemple pour de nombreux pays émergents ou du tiers-monde qui observent avec dévotion le fonctionnement des opulentes démocraties occidentales : rien n'y est aussi égalitaire ni aussi idéal qu'on peut le penser. Les torrents de boue et de machisme qui se sont déversés sur la candidate ne paraissent pas dignes d'une démocratie avancée. Les questions liées à l'immigration, à l'identité nationale et certaines dérives vers le patriotisme ne semblent pas non plus cadrer avec la vision qu'a le reste du monde d'une démocratie comme celle de la France. Le sexisme et un certain racisme structurel se sont pourtant manifestés quotidiennement ces trois derniers mois. Les immigrés craignent la victoire de Sarkozy. Pour beaucoup, sa présidence équivaudrait à une expulsion, à une réduction de leurs acquis, y compris pour ceux qui résident légalement en France depuis plusieurs décennies et sont parfaitement intégrés. Son discours, qui mêle les idées les plus disparates, incite à la crainte et à la prudence.

Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal sont deux survivants d'un système qui laisse peu de places aux marges. Sarkozy a recueilli un très grand nombre de voix, alors même qu'il a passé cinq ans dans un gouvernement qui a exacerbé la fracture sociale. Royal a eu raison des éléphants – les leaders socialistes – et de tous ceux qui, dans les médias, la considéraient comme une candidate d'opérette. On peut presque penser que la présence de Ségolène Royal au second tour est un miracle. Tout ce que la France compte de personnalités politiques s'est moqué d'elle à un moment ou un autre. Son propre parti n'est pas étranger à cette vague de plaisanteries qui circulaient dans la classe politique française. Ceux-là même qui la défendaient à contrecœur sur les plateaux de télévision dimanche soir l'ont démoli hors caméra.

Au-delà des résultats obtenus par les deux protagonistes, la société s'est mobilisée – notamment par un fort taux de participation – pour laver l'affront de la présidentielle 2002, qui avait vu le Front national se qualifier pour le second tour. Amer, vieilli, rancunier, Jean-Marie Le Pen a vitupéré dimanche soir contre un "système" qui l'aurait marginalisé. Mais les 11 % qu'il a obtenus et les constants appels du pied de Sarkozy en direction de l'extrême droite, prouvent que cette tendance continue d'attirer des millions de voix en France.

Aujourd'hui, une alternance saine a été rétablie. Espérons que des millions de personnes n'auront plus l'impression qu'elles vont être expulsées ou que la couleur de leur peau donne des voix à ceux qui les méprisent.






Vu d'Espagne : Historique
Lluis Bassets - Le blog de Lluis Basset

Lluis Bassets, l'une des grandes plumes du quotidien de gauche El Pais, a publié dès 20h01 sa réaction sur son blog. "Ségolène et Sarkozy passent avec une avance confortable. L'importante participation me fait penser que quelque chose d'important s'est passé et se passe. Un regain d'intérêt pour la politique." Ce premier tour est un motif de satisfaction pour l'éditorialiste, fin connaisseur de la vie politique européenne et française."Satisfaction d'abord pour la France. Mais aussi pour l'Europe. Un régime politique qui suscite une telle participation, même si certains veulent le dire en crise, nous montre une santé enviable."

Pour Lluis Bassets, le plus difficile est à venir. "Tout va se jouer sur la personnalité des deux candidats. Les programmes seront relégués au second plan. Le vainqueur sera celui qui suscitera le moins d'animosité chez l'électorat. Sarkozyest un candidat terrible, plus dur et professionnel que Ségolène. Mais il peut se blesser tout seul par son tempérament impétueux. Ségolène jouera à fond la carte de la féminité, de la tranquilité tout en étant capable de protéger la société."
Les pronostics sont difficiles pour Lluis Bassets. "Jusqu'à présent le spectacle de la campagne était formidable. Je suis sûr que le débat qui va opposer Sarkozy à Ségolène sera historique."






Vu d'Italie : Ségolène en bonne position pour l'emporter
Unita

"Ségolène a gagné", note le quotidien de gauche italien l'Unita. "Elle a gagné parce qu'elle a réussi la difficile entreprise de mettre la gauche en position de l'emporter lors du deuxième tour de l'élection présidentielle dans deux semaines. Merci à elle, et merci à son courage et sa tenacité, grâce à elle un parti et une gauche divisée a pu se retrouver, le temps d'une élection cruciale. Et pourtant beaucoup de doutes planaient sur sa capacité à se qualifier au deuxième tour. A Ségolène Royal nous envoyons toutes nos félicitations et des millions de voeux."





VU DE COLOMBIE •  Sarkozy doit éviter le baiser de la mort
El Tiempo

"Le slogan que Nicolas Sarkozy veut éviter au second tour est Sarko = facho", affirme la correspondante du quotidien El Tiempo à Paris. Pour Maria Camila Morales, "il apparaît clairement que le candidat conservateur va s'attacher à se montrer plus doux, plus paternaliste. Son premier discours d'après-premier tour l'a bien montré. Il doit éviter le baiser de la mort du FN. Il ne faut pas que Le Pen dise de lui qu'il est le candidat idéal." En Colombie, la campagne a bien sûr été suivie de près, car "nous avons un problème commun, il s'appelle Ingrid Bettancourt. Sarkozy a même demandé au président Uribe de discuter directement avec les FARC pour obtenir sa libération."





Le Soir, quotidien Belge : Oui, nicolas sarkozy est dangereux
Joelle Meskens - Le Soir

Jusque-là, nous ne l’avions pas écrit. Parce qu’il demeure exceptionnel que Le Soir prenne position dans une élection, comme il l’avait fait pour soutenir John Kerry face à George Bush aux Etats-Unis. Cette fois pourtant, on ne peut plus rester sans le dire. Oui, Nicolas Sarkozy est dangereux. Parce que le candidat de l’UMP à l’Elysée a franchi la ligne rouge. Ses propos sur le caractère inné de la pédophilie ou de la tendance suicidaire bouleversent tous les principes de l’humanisme.

La société ne servirait donc à rien ? A quoi bon alors l’éducation, la famille, l’amour, l’apprentissage de la tolérance, si le seul destin décide de faire d’un homme un héros ou un monstre ? Ses propos sur l’Allemagne, prédisposée à s’abandonner au nazisme, sont tout aussi écoeurants. Et que dire de cette phrase, entendue en meeting : « La France n’a pas à rougir de son Histoire. Elle n’a pas inventé la solution finale. » Aurait-il oublié que la France a collaboré ? Que Vichy a livré des Juifs aux nazis ? Jacques Chirac a beaucoup de torts. Mais il a eu ce courage, lui, de reconnaître la responsabilité de l’Etat français pour la collaboration.


Ce virage complète chez Nicolas Sarkozy une posture résolument populiste. Combien de fois, lorsqu’il était à l’Intérieur, n’a-t-il pas accusé les juges de ne pas en faire assez, violant ouvertement la séparation des pouvoirs ? Sa mainmise sur les médias ne laisse pas d’inquiéter, elle aussi, obtenant ici le limogeage d’un directeur dérangeant, discutant là de l’embauche d’un journaliste chargé de couvrir l’UMP. Et que dire de ses déplacements de campagne ? Non seulement il ne peut plus se rendre en banlieue, là où Jean-Marie Le Pen se promène désormais, mais même dans des quartiers moins chauds comme la semaine dernière à la Croix-Rousse à Lyon, il doit reculer par crainte des manifestants.


« Prendre des voix au Front national, est-ce mal ? », interroge Nicolas Sarkozy. Non, bien sûr, au contraire. Mais à condition de ne pas séduire ses électeurs avec les mêmes mots. Au soir du premier tour, le candidat de l’UMP se félicitera peut-être d’avoir asséché le terreau électoral de Jean-Marie Le Pen. Mais à quel prix ? Celui, affolant, d’une lepénisation des esprits.

Publié dans Divers

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