«L’argent est au cœur des préoccupations des Français»

Publié le par Catherine Fournier - 20minutes.fr

Interview de Janine Mossuz-Lavau, sociologue et auteur de «L’Argent et nous», aux Editions de la Martinière

Pensez-vous que la publication  dans la presse du patrimoine de certains candidats à la présidentielle puisse influencer les Français dans leur vote?

Non, je ne pense pas que cela bouleverse les rapports de force entre les candidats. Les Français se doutent bien que ces hommes et femmes politiques disposent d’un patrimoine assez important, qu’ils soient de gauche ou de droite. Et tant que ces biens ont été acquis par le travail ou des héritages familiaux, comme l’ont précisé certains candidats, cela ne pose pas vraiment problème. Les Français sont plus choqués par les salaires des grands patrons ou leurs indemnités de départ. Que Ségolène ait un appartement à Boulogne et deux maisons en province ne fait pas d’elle une personne richissime.

Les électeurs ont donc une totale confiance dans la transparence de ces déclarations?

Pas forcément, puisqu’ils ont tendance à penser que les hommes, et un peu moins les femmes, politiques sont corrompus, surtout à gauche (73,7% contre 59,4% à droite). Mais en l’occurrence, rien ne laisse penser que ces déclarations sont truquées. Quant au fait de payer l’ISF, ce n’est pas vraiment discriminant étant donné le boom de l’immobilier ces dernières années. Tout le monde a en tête ces habitants de l’Ile-de-Ré qui se sont retrouvés à payer l’ISF à cause de la valeur qu’avait pris leur maison.

L’argent des candidats n’est donc pas si important que cela aux yeux des électeurs?

Il l’est beaucoup moins que le leur. Au cours de ma dernière enquête, j’ai pu constater que l’argent était au cœur des préoccupations des Français, bien plus que la sexualité, sur laquelle je m’étais penchée dans mon précédent ouvrage*. Si on peut rester une semaine sans faire l’amour, on ne peut pas passer une journée sans dépenser 1 euro. Or, nous sommes dans un pays riche où il y a beaucoup de pauvres. Et quand je dis pauvres, je ne parle pas seulement de ceux qui gagnent le RMI (440 euros brut pour une personne seule) ou le Smic (1250 euros brut). Dans mon enquête, il m’est apparu que beaucoup de gens gagnaient en réalité moins de 1300 euros net par mois. Il ne faut pas oublier qu’ils achètent à manger en net et pas en brut.

Que préconisez-vous?

Une sérieuse augmentation des minima sociaux. Plutôt que de parler de leur patrimoine, les candidats feraient mieux de placer les inégalités sociales au cœur de la campagne.

Avez-vous constaté une différence dans le rapport à l’argent entre l’électorat de droite et celui de gauche?

Incontestablement. C’est même l’un des points clé de désaccord. Alors que les gens de droite valorisent le profit et accordent une certaine estime à l’argent, les gens de gauche ne veulent pas en faire l’étalon de mesure d’une personne. Les premiers se disent prêts à se défoncer pour en gagner, les seconds refusent de se soumettre à la société de consommation. Tout en reconnaissant qu’ils ont besoin d’un minimum d’argent pour bien vivre.

*  « La vie sexuelle en France », 2002, Editions la Martinière

Publié dans Divers

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