Tirons notre chapeau à Madame Royal

Publié le par http://questionscritiques.free.fr

Par Andreas Whittam Smith

The Independent le 12 février 2007
Pour le moins, sa technique consultative a apporté des idées fraîches au débat

Dimanche après-midi, Ségolène Royal, la candidate socialiste aux prochaines élections présidentielles, a enfin décrit comment elle gouvernerait la France si elle était élue. Dans un discours qui a duré une heure et demie, elle a exposé son programme devant 8.000 supporters.


De façon obstinée, même si cette longue pause a semblé nuire à sa popularité dans les sondages d'opinion, Mme Royal a résisté aux appels à dévoiler ses propositions plus tôt, alors que Nicolas Sarkozy, son principal rival, l'a fait. Car elle était déterminée à attendre d'avoir terminé sa laborieuse consultation avec les Français - pas seulement les membres du Parti Socialiste -, invitant à la discussion au moyen de réunions publiques participatives et de débats sur internet.

La réaction a été enthousiaste. En tout, 135.000 contributions ont été reçues et 2,7 millions de personnes y ont participé d'une manière ou d'une autre. Toutes ces réponses ont été résumées dans une série de déclarations politiques.

C'est très audacieux, car il n'y a encore que quelques mois, le Parti Socialiste terminait lui-même un débat interne douloureux duquel il a élaboré un long document qu'il espérait que son ou sa candidat(e) officiel(le) suivrait. C'était le programme des militants. Mais une fois le porteur de drapeau choisi, Mme Royal a tout recommencé.

Hier, elle a présenté ses propositions comme un pacte solennel avec les Français. En effet, elle a déclaré : "J'ai écouté. J'ai fait la synthèse de ce que vous, le peuple, pensez qui serait la meilleure politique pour la France. J'ai promis solennellement de porter vos souhaits". Même si cela semble être dans l'air du temps, c'est une nouvelle façon de faire de la politique.

En résultat de la programmation non-conventionnelle de Mme Royal, de très grandes espérances se sont accumulées - à un point où le discours de dimanche après-midi en était arrivé à ressembler à un dernier lancer de dés. Pourtant, le premier tour de l'élection présidentielle n'aura lieu que dans 10 semaines.

Il ne faut pas s'étonner si le secrétaire du Parti Socialiste, François Hollande, a peiné pour insister sur le fait que "la campagne commence aujourd'hui". Il sait aussi bien que n'importe qui d'autre que le moment où les opinions se durcissent, pendant une campagne électorale, peut venir à tout moment. Des fois, cela se produit assez tôt, des fois, sur le tard.

Faisant la course en deuxième position derrière M. Sarkozy, le parti [socialiste] a besoin de que l'humeur du public reste en perpétuel changement. Il serait démoralisant pour Mme Royal si son discours d'hier la laissait inchangée dans les sondages d'opinion. Parce qu'alors, il serait difficile de voir comment elle pourrait rattraper son retard.

En l'occurrence, Mme Royal a fait 100 propositions pour une "France plus juste et plus forte", un chiffre suffisamment important pour suggérer qu'un gouvernement Royal serait très différent de celui de ces prédécesseurs. Parmi ces propositions, il y en avait inévitablement certaines sans lesquelles il serait impossible pour la gauche de gagner les élections. Ainsi, avec malice, elle a dit qu'elle augmenterait le salaire minimum et améliorerait la retraite de base. Mais, en se concentrant sur ces promesses tape-à-l'œil, son discours a semblé être plus conventionnel qu'il ne l'a été en réalité.

Elle a détaillé chacun des grands sujets, à leur tour : le coût de la vie, l'emploi, l'éducation, la sécurité sociale, la délinquance et la criminalité, l'environnement, etc. Mais dans chacun de ces cas, elle a adopté le même format. Elle a d'abord décrit ce qui avait été appris des débats participatifs avec les électeurs ordinaires. Ensuite, elle a détaillé une série de propositions, dérivées des points de vue exprimés.

Prenez le sujet intitulé "Une Nouvelle République". Ceci se rapporte à l'éloignement des gens ordinaires avec la façon dont les institutions de l'Etat prennent les décisions. Elle a appris que les gens veulent que ceux pour lesquels ils votent vivent comme eux. Pour cette raison, ils ont une aversion profonde sur la manière dont en France une même personne peut être maire ou président de région et en même temps membre de l'Assemblée Nationale ou ministre au gouvernement.

En même temps, ceux qui ont été consultés aimeraient aussi que le vote proportionnel soit universellement utilisé et ils sont même prêts à considérer de rendre le vote obligatoire (comme en Australie) avec la reconnaissance des bulletins blancs".

Quelques 18 propositions ont suivi ces discussions. L'une d'elles, par exemple, introduirait la démocratie participative, des jurys citoyens et autres dispositifs du même genre, dans tous les corps publics. De plus, les citoyens ordinaires pourraient obliger le réexamen d'une loi particulière s'ils réunissent, à cet effet, 1 million de signatures.

On ne saura pas pendant plusieurs jours si la nouvelle approche politique de Mme Royal a saisi l'imagination des électeurs français. Au minimum, sa technique consultative a apporté de la fraîcheur et des idées intéressantes à la surface du débat politique. Qu'une telle technique participative puisse bien marcher bien sur une longue période est moins certain ! Mais ça se pourrait. Et si jamais sa méthode attirait vraiment des adeptes enthousiastes, alors elle serait imitée ailleurs, même dans ce pays dont les traditions et les processus politiques sont très différents.

Traduit de l'anglais par [JFG-QuestionsCritiques]

Publié dans Divers

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